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Le monde vert

valentin-lebrat Par Le 15/11/2016 3

Un coucou à vous les français !

Après une tentative manquée hier pour me connecter à Internet, il semble que ça va un peu mieux par ici... Avec toutes les émotions des jours passés, il était temps d'écrire un article, pour partager et parce que les écrits s'envolent et les paroles restent... euh, les vols s'écrivent et les restes se parlent... enfin bref, vous m'avez compris, c'est bien d'écrire !

Après mes aventures dans la cordillère de Vilcanota, mon voyage allait rentrer dans une étape assez singulière. D'abord depuis Tinkki, je grimpe le col de Pirahuani, à 4725m d'altitude. La montée n'est pas si difficile, à part les 30 dernières minutes où le relief joue avec mes nerfs : à 3 ou 4 reprises, je pense être arrivé et découvre que ce n'était qu'une crête intermédiaire que je voyais. Je suis sur le rebord Ouest de l'Altiplano, sur le point d'engager une descente de plus de 4000m de dénivelé, en direction de la forêt équatoriale qui s'étend au pied de la cordillère, jusqu'à l'océan Atlantique.

La descente est vertigineuse et interminable. Les nuages bloquent la vue à chaque détour de la vallée, ce qui donne l'impression de faire un saut dans le vide à chaque tournant :

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L'ambiance dans la descente.

Au passage, la route est excellente,elle  s'intègre assez bien dans le paysage, et la circulation est parfaite : suffisamment faible pour profiter du paysage, et suffisamment importante pour se sentir en sécurité en cas de problème. Et les limitations de vitesse sont à 20 ou 30 km/h dans les zones de virages.

Je m'arrête au milieu de la descente, à Marcapata, un village en plein pente et surtout en plein brouillard. C'est dans ce bled que j'apprendrai, avec un peu d'amusement, l'élection de Trump aux Etats-Unis. Les présidents des pays latinos sont un peu amers.

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Ambiance à Marcapata

Je redémarre le lendemain, et la chute libre continue. Puis assez rapidement, la température augmente et l'atmosphère devient plutôt moite. Un bruit, une fleur, un oiseau noir et jaune qui me passe devant indiquent que j'entre dans un autre monde. Les dénivelés des montagnes autour sont impressionnants, et une impression de pénétrer dans un lieu interdit m'envahit. Autant la jungle me fascine, autant elle m'effraie.

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Mais que diable allait-il faire dans cette galère ?

Finalement, j'arrive à sortir de ces montagnes, pour atteindre le petit village de Quincemil. Le contraste entre l'aridité de l'Altiplano et l'abondance de la forêt est énorme. Là-haut, quelques troupeaux par-ci par-là, ici tout fourmille d'insectes et d'oiseaux. En haut, la couleur est au niveau macroscopique : une montagne de roches rouges, un glacier blanc éclatant, une prairie verte ou jaune, une lagune bleue, verte ou noire. Ici, tout est vert à y regarder de loin, mais dans le détail, la couleur est partout, surtout dans le monde animal.

Quicemil n'est pas un village très avenant, alors je tente de partir dès le lendemain de mon arrivée pour un second village d'Amazonie, San Gaban, en espérant trouver mieux là-bas. Les deux villages sont localisés dans la jungle, juste au pied des montagnes, mais une distance de 120 km les sépare. Je devrai faire l'étape d'une traite, car je ne veux pas dormir dans la forêt, c'est une condition que je m'étais fixée pour descendre en Amazonie.

Je pars à 5h du matin pour profiter de la relative fraîcheur des premières heures de la journée, et avoir une marge de manœuvre devant moi.

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Demain, dès l'aube, à l'heure où verdit la forêt. J'irai par les coteaux, j'irai par les rios...

La route se fraie un passage dans un paysage à la limite du rêve, le long de rios qui coulent dans une zone de collines complètement sauvages. L'ambiance est celle des routes mythiques. On pourrait se croire dans les gorges de la Dunière, mais il faut remplacer les fayards et les châtaigniers par des arbres tropicaux, et le meuglement des vaches par le chant des oiseaux. Il y a aussi des chiens qui nous courent après en passant devant les baraquements le long de la route.

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La vallée de la Dunière. On voit la route en bas à droite.

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Finalement, je l'ai trouvé, ce fameux village ! Si vous me cherchez pendant ces 15 prochaines années, vous saurez où me trouver ! Il y avait souvent des petites baraques en bois entre la route et la rivière, sans aucun champ dans les environs. Très probablement des prospecteurs d'or de rivière.

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Pourtant, à Quincemil, les rues ne sont pas pavées d'Or...

Ces paysages sublimes ont un prix : là ou je m'attendais a trouver 60km de faux-plat descendant, me voilà pris dans une immensité de montagnes russes, comme pour ajouter de la difficulté à ce trajet. J'arrive finalement au pont de l'Inambari (15km plus tôt que prévu dans mes calculs). C'est une étape importante de mon voyage : mon point le plus bas jusqu'au Chili. Ici, j'arrête ma descente vers l'Est et l'Atlantique, et je repars vers le Sud-Ouest, sur un tronçon secondaire de la route InterOcéanica qui rejoint Puno sur le lac Titicaca, au Sud du Pérou. C'est aussi le point de départ de ma remontée vers la cordillère. Je suis à 500m d'altitude (310 selon un indien local, mais je ne le crois pas).

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Un pont sur l'Inambari, un fleuve qui deviendra plus tard le "Madre de Dios", puis le "Madeira" au Brésil, premier affluent de l'Amazone, et un des fleuves les plus puissants du monde.

Comme une surprise n'arrive jamais seule, c'est à ce moment précis que je croise les premiers cyclo-voyagistes de mon voyage. Ils sont Brésiliens, et eux remontent vers Cusco. Ils ont roulé longtemps en Amazonie, et le plus jeune s'obstine à dormir sous tente. Il a aussi une balise SPOT d'ailleurs.

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Avec mes collègues Brésiliens, et un indien d'ici qui fera quelques kilomètres avec moi.

On est dans l'hémisphère Sud, donc on marche la tête à l'envers. Au début, ça fait un peu bizarre, mais une fois que le cœur a compris qu'il faut pomper dans l'autre sens, on finit par ne plus sans rendre compte.

La deuxième partie du trajet deviendra franchement plus éprouvante. La température a augmenté, alors je crains une surchauffe, même si je bois litre après litre. Pour sûr, cette étape restera un fait marquant du voyage. Les paysages sont un peu plus larges, on circule dans la vallée de l'Inambari :

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Le guidon contemple la nature sauvage. Au pied, l'Inambari.

Dans les Pueblos, je suis plus souvent "El Gringo", l'étranger, que "Amigo". Les gens aussi sont différents de là-haut.

Un glissement de terrain en réhabilitation bloque la route, un policier nous contraint d'attendre 2h ici pendant que les machines travaillent. Avec la pression des conducteurs, je repars après 10 minutes. Quelques temps après mon passage, une pelle envoie un bloc énorme qui franchit le fossé et traverse la route... Mieux vaut que ce soit le rocher que la pelle qui soit tombée tout de même !

Finalement, après 10h d'efforts, j'atteins les derniers kilomètres de cette aventure. L'arrivée sur San Gaban est magnifique, avec le soleil (un peu étouffant certes) dans un défilé :

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L'arrivée sur San Gaban, qui fait oublier un peu l'épuisement.

En résumé, une photo avant et après cette journée :

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Avant l'Amazonie, frais et motivé, avec le casque et le K-Way que j'espérais garder pour me protéger des moustiques.

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Aux 2/3 du trajet, la fatigue en plus, le K-Way en moins, et le Krama du Cambodge qui a remplacé le casque, et qui aura essuyé quelques mètres cubes de sueur !

En arrivant à San Gaban, un petit sentiment de triomphe et de soulagement me redonne un grand sourire. De donde vienes ?quince Mil ¡

Le lieu est un petit jardin d'Eden, une petite plaine au débouché d'une vallée qui vient de la cordillère, fermée par des hautes collines sur les 3 autres côtés. En plus, je trouve une auberge bien confortable, pour le prix invariable depuis que je suis parti de Cusco de 6 euros la nuit. Je sens que je vais rester ici ! Je passerai donc le samedi et le dimanche à me reposer ici, il faut dire que j'étais bien cramé après l'enchaînement de ces efforts, et surtout cette journée en forêt. J'en profite aussi pour explorer les sentiers autour du village, qui s'enfoncent un peu dans la jungle. J'espère photographier un immense papillon bleu et noir qui m'est souvent passé sous le nez en roulant. Après quelques explorations infructueuses, je trouve enfin le lieu parfait pour mon exploration, un vallon secret à deux pas de la route.

Je commence à le remonter, et arrive au pied d'une petite cascade entourée de falaises : bingo, c'est plein de ces fameux papillons, vraiment magnifiques, et de la taille d'un petit oiseau. Mais ces papillons, comme la plupart des grands papillons ici, ne se posent jamais à hauteur d'homme.

Quelques photos :

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Un papillon transparent et noir (on voit les pierres au travers).

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Votez pour le plus beau !

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Petite pause méditation en Amazonie, entre les papillons et de petits vautours qui volent 10 mètres au-dessus de moi.

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Sur mon chemin dans la jungle, qui m'accompagne ? Certaines branches ressemblent étrangement à des serpents, et certaines feuilles à des mygales. Ou alors c'est mon imagination qui est un peu sur le qui vive. Une feuille morte qui me tombe dessus, et je sursaute...

Tout compte fait, je n'aurai pas vu de serpents, à part quelques petits écrasés sur la route, ni de grosses araignées,ni de jaguar. Ce n'est pas plus mal ainsi !

Je commence à devenir familier de ce monde vert, alors il est temps de repartir. Le frais, les gens de là-haut et les grands espaces me manquent un peu, et puis je commence vraiment à prendre le goût de l'itinérance, et de ses paysages sans cesse renouvelés.

Ce matin, je pars pour 2100m de dénivelé, vers le village d'Ollachea, où il y a encore des eaux chaudes. Comme je l'espérais, le vent d'Est n'a pas tourné, et je l'ai dans les voiles pour la montée. Avec des jambes toutes neuves et un vélo allégé au maximum, j'ai l'impression d'avoir un moteur. Cette montée qui me faisait peur se sera finalement bien passée. Je retrouve petit à petit ma Cordillère. La montée est heureusement nettement moins abrupte que lors de ma descente quelques jours plus tôt. Le paysage se fait plus sec, et à 2000m, un perroquet vert traverse devant moi : je ne pensais même pas en voir dans la jungle, et c'est ici, en limite de la forêt, que j'en rencontre un !

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Retour dans la Cordillère, par canyons et cascades.

Les gens sont à nouveau plus accueillants, et une petite fille veut absolument que je revienne le 10 décembre pour participer à une fête du village. J'aimerais bien, mais comme dit Aslan dans le dernier livre de Narnia "Plus haut, et plus avant !".

 

Commentaires

  • Papy et Mamie Colette

    1 Papy et Mamie Colette Le 17/11/2016

    Ouf ! Valentin,tu es sorti d'Amazonie après tant de dénivelée et de sensations fortes.Le relief des paysages,la végétation,oiseaux et papillons nous rappellent les tropiques.
    Te voilà de nouveau dans tes montagnes.Prends du repos après tant d'efforts.Nous continuons le voyage plus vite que toi cette semaine ,puisque vendredi nous suivrons
    l'émission sur le Parc National de Torres del Paine et lundi prochain le Fitz Roy,hier Magellan à la recherche de son détroit pour aller aux Indes,un jour les fjords côté Pacifique,
    avec le ferry régulier.
    Poursuis bien ta route avec le Seigneur."Confie-toi de tout ton cœur à l'Eternel , dans toutes tes voies connais-le et Il dirigera tes sentiers".(Prov 3 v5-6)"Il prend soin de vous"(1Pierre 5v7)
    Bises de Papy et Mamie
  • Mam

    2 Mam Le 17/11/2016

    Ben dis donc que d'exploits en si peu de jours! tu as retrouvé ta forme olympique...mais prends bien soin de toi, hein?
    Tout de bon comme disent nos suisses!
  • Pap'

    3 Pap' Le 15/11/2016

    Magnifique !
    Te voilà au plus près de la plus grande production d'oxygène au monde...
    Cette abondance de vie plein la tête tombe à pic pour démarrer la journée !

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