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Patagonie épisode 7 : l'oeil n'est jamais rassasié de voir

valentin-lebrat Par Le 06/04/2017 3

"À voir de belles choses, on ne finit pas par se lasser en fin de compte? "

La question remonte à San Pedro de Atacama. Je voyageais alors depuis 2 mois et demi, et je répondais que jusqu'ici, pour moi, l'émerveillement durait. Aujourd'hui, avec plus de 5 mois d'itinérance en Amérique du Sud au compteur, je constate que le regard n'est jamais repu de paysages et de vie sauvage. Même si l'excitation du début se transforme en routine. Une routine de vie sauvage, une routine de spectaculaire qui ne ternit pas le plaisir, bien au contraire.Il faudrait plutôt s'inquiéter d'addiction, que de parler de lassitude...

Départ d'El Calafate. Je retrouve rapidement la "Ruta Cuarenta" que j'avais empruntée pour venir. Probablement la plus célèbre des routes d'Amérique Latine, elle traverse sur la longueur l'Argentine le long de la cordillère. 4500km du détroit de Magellan à la frontière bolivienne.

Le vide

Avec un bon vent dans le dos, la route emprunte une longue côte à flanc de pente qui débouche sur un plateau de steppe rase. C'est la "meseta de las viscachas" que je traverserai sur près de 80km. Depuis le rebord de ce plateau, j'ai une vue magnifique sur la plaine du Rio Santa Cruz, le principal fleuve de cette province à qui il donne son nom. Au loin se profile une dernière fois le massif du Fitz Roy. L'ambiance sur le plateau est surréaliste, un paysage plat et nu dans toutes les directions. Seules quelques petites montagnes au loin annoncent la cordillère. Au milieu du plateau, je quitte la route asphaltée pour une longue section sur piste. Il s'agit en fait de l'ancien tracé de la Route 40, qui est plus direct pour ma route et m'évite un long détour. Finalement, apparaît au loin le beau massif des Torres Del Paine, une sorte de forteresse isolée qui émerge de la plaine. Il me faudra encore 3 jours de vélo pour arriver au pied de ces montagnes.

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La plaine du Rio Santa Cruz depuis le bord de la Meseta de las viscachas

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L'ambiance sur le plateau

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Platitude absolue

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Une autre photo de l'Autruche car la dernière était assez horrible. Avec des flamants roses  en prime.

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Le coucher de soleil dans la steppe...

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Le groupe du Paine qui surgit à l'horizon

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El Gaucho. A lui les espaces sans fin, et la solitude qui va avec.

Le massif du Paine

Après être descendu du plateau, encore 2 jours de vélo pour arriver au pied de ce massif que j'ai en ligne de mire. Je retraverse la frontière chilienne pour rentrer dans la deuxième et dernière région de ce pays, la région de "Magellan et de l'Antarctique Chilien". Rien que ça. Il me faut faire un petit détour et remonter vers le Nord pour aller vers le massif du Paine. Seulement, il n'y a pas de village dans le coin et je roule en autonomie depuis 3 jours déjà. Tant pis, je pars  quand même pour aller voir ces montagnes quitte à me rationner de nourriture. Ca en vaut sûrement la chandelle et en plus, j'ai bientôt fini mon voyage à vélo. Quelques groupes de touristes manifestement impressionnés m'offrent leurs sandwichs ou leurs bières, moyennant quelques séances de photo.

J'arrive finalement au pied des montagnes, qui sont protégées par un parc national plutôt du genre prohibitif. Pas possible de dormir dans le parc si je n'ai pas réservé les campings. Je les avais bien réservés, mais je suis arrivé ici 8 jours avant la date prévue. Et puis zut, je viens ici sans polluer, je ne  vais pas faire demi tour ici, les gardes n'auront qu'à bien me traquer le soir venu. Premier jour, montée à la célèbre laguna Torre, au pied d'un trio de pilliers granitiques des plus spectaculaires. On dirait les trois doigts d'une main démesurée, dont la paume serait enfoncée dans le lac. C'est décidé, je bivouaquerai ici. Les alentours du lac sont un champ de grands blocs de granit, certains sont parfaitement plats et assez grands pour y dormir, d'autres sont posés en équilibre formant un grand couvercle en cas de pluie. Je commence ma nuit sur une belle table à ciel ouvert. Mais rapidement les sommets s'enveloppent d'un voile qui ne me dit rien de bon. Je me réfugie vite sous un de ces couvercles, un grand bloc sous lequel je peux  me glisser et trouver un terrain plat.

Bien m'en a pris, il se met rapidement à pleuvoir. Inutile de préciser que les premières minutes sous mon abri font ressortir un tas de questions insensées...

-Tu crois que le bloc peut se fendre en deux ? Parce que là il doit bien faire 10 tonnes. Divisé par 2, disons 3 s'il ne casse pas en son milieu et que c'est le petit côté qui me tombe dessus, ça ferait 3 tonnes qui m'écraseraient. Dis donc c'est pas mal 3 tonnes non ?

-t'as déjà vu un si gros bloc se fendre ? Et puis c'est du granit, t'inquiète.

-Ouais t'as raison, c'est du granit quand même. Bon aller je m'endors et demain je me réveille sans soucis.

(...)

...euh... tu penses que le bloc peut basculer ? J'ai vérifié, il est seulement sur deux appuis. Là ça serait les 10 tonnes d'un coup !

Ah non ici il y a un petit rocher, il pourrait servir de butée. Si le bloc bascule et vient buter sur ce rocher, je ne serai peut- être pas écrasé!

...Ah mais par contre je n'aurai plus assez d'espace pour sortir. T'imagines? 

Ca ferait comme dans le film du mec qui reste j'sais pas combien d'heures le bras coincé dans un rocher en faisant du canyonning. Il ne pouvait prévenir personne ! Ah mais d'ailleurs moi j'ai ma balise SPOT, je pourrai peut être passer mon bras pour prévenir les secours. Mais comment ils s'y prendraient tu penses les secours ? Ils pourraient ...

-Non mais tu vas dormir oui ou non !!!

-ok, ok, je n'y pense plus. Et si...

 

Je me réveille le lendemain sans encombre, dans le brouillard qui accueille la foule venue assister au lever de soleil depuis le camping un peu plus bas. Moi je redescends et reprends mon vélo pour aller voir les Cornes du Paine, l'un des paysages les plus réputés du massif. Je fais une nouvelle nuit de bivouac dans le parc, cette fois à l'air libre sous un ciel étoilé et sans lune, d'une beauté fascinante. Au milieu de la voie lactée, à l'endroit où elle est le plus intense -c'est à dire au niveau de la base de la croix du Sud- se trouve un immense "trou" sans étoile et sans lumière. Le contraste avec la lumière diffusée de la voie lactée qui l'entoure est saisissant, il semblerait que l'on découvre une nouvelle définition de la couleur noire en plein milieu d'un ciel nocturne.

Le lever de soleil dans le décor où je suis est splendide, entre l'étendue du lac Pehoe, les sommets glaciaires à l'ouest, et les rochers des cornes du Paine juste devant moi. Encore un peu de vélo dans le parc et je continue ma route (exigeante) vers Puerto Natales, la prochaine ville au bord de l'océan. Cette portion de route-qui est une piste depuis mon entrée dans le parc- est très tranquille,  Avec des paysages variés. D'abord un long parcours en balcon au dessus du magnifique lac Toro, puis à travers de petites forêts dans un relief de moyenne montagne, et enfin je retrouve la steppe pour arriver à Puerto Natales. Un peu avant d'arriver, je passe devant une grotte où furent retrouvés les restes d'un mammifère de l'âge de glace, le Milodon, un cousin du paresseux mais en 6 fois plus grand. Il aurait cohabité avec les premiers hommes dans la région avant de s'éteindre.

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Un campement au bord du lac Sarmiento avant d'arriver dans le parc national du Paine

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Juste avant d'arriver dans le parc. A gauche, le mont Almirante Nieto, à droite les Torres.

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En arrivant au lac Torres. Le décor est Ouf.

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Changement de temps mais ambiance toujours saisissante en soirée.

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Les blocs autour du lac abritent les plus gros cristaux de quartz que je n'ai jamais vus dans la nature.

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Le mont Almirante Nieto

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Trouvez le Guanaco boudeur!

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Le lac Sarmiento, qui est un bassin endoréique -sans déversoir. Il est par conséquent salé, ce qui permet le développement d'un certain type de micro organismes dont les squelettes se déposent sur les fonds et les rives du lac : de là vient la bande de pierres blanches que l'on observe sur les rives. Une sorte de calcaire en formation en somme.

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Bivouac en face du lac Pehoe.

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Et le lever de soleil le lendemain.

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Monte Paine Grande, point culminant du massif, et probablement le 3000 le plus au Sud de la cordillère des Andes.

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Le lac Pehoe et la vue vers le champ de glace Sud (encore... mais cette fois c'est vraiment la fin)

P1120680Aller Tim, tu me nommes tous les sommets visibles sur la photo ?

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Le salto Chico sur le rio Paine (Paine veut dire bleu en langage Tehuelche, et en voyant la couleur des rivières, on comprend pourquoi)

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Le Cerro Balmaceda au Sud-Ouest, visible de très loin avec sa stature isolée.

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Un dernier campement avant Puerto Natalesen balcon du lac Toro, le plus grand de toute la région. Un couple de petits aigles partageront les lieux avec moi. Et ils savent bien repérer un morceau de pain laissé sans surveillance au petit déjeuner. Mais il ne me reste que ça à manger, alors je ne me laisse pas faire.

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Sur la route vers Puerto Natales

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Cid, c'est toi ?? Qu'est ce qui t'est arrivé?

On remarquera la nouvelle collection d'automne Crocs, chaussettes, caleçon long, thermolactyl et bonnet péruvien.

Puerto Natales

L'arrivée sur la petite ville de Puerto Natales se fait dans un cadre insolite. Au milieu de la steppe se découvre un bras de l'océan, qui ressemble plutôt à un lac  car des collines arrêtent la vue quand on regarde vers le large. Et derrière ces collines surgissent quelques sommets glaciaires. Puerto Natales se trouve dans ce cadre, au bord du fjord, avec ses maisons de style européen. Geographiquement, on peut dire que c'est un endroit remarquable : jusque là, il fallait traverser la cordillère pour atteindre l'océan pacifique. Désormais, l'océan borde directement la steppe et la cordillère se poursuit plus à l'ouest, sur les îles et les presqu' îles. Une sorte de bateau en train de naufrager, dont les parois s'enfoncent directement dans la mer. Mes 3 jours de repos dans la ville se feront sous un ciel des plus sereins, qui s'accorde bien avec les vues larges et dégagées des alentours. L'automne comme on en rêve.

Au nord, les monts Balmaceda et Paine Grande  toujours visibles viennent étoffer l'horizon.

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Le tranquille petit port de Puerto Natales au bord du fjord d'Ultima Esperanza. Vue en direction du large (si si je vous le dis)

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Une ancienne jetée, et le mont Balmaceda dans le prolongement.

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"Los volantes". A gauche sur l'horizon le mont Balmaceda, à droite le Paine Grande.

Derniers tours de roue

"La fin de cette aventure, et le début des suivantes" disait Aslan à ses amis de Narnia. Les suivantes sont toutes à écrire, et pour l'heure je m'affaire à terminer cette idée qui naquit un jour à force de regarder les atlas. Traverser les Andes, je ne l'ai pas fait. Il m'aurait fallu partir de Caracas, au bord de la mer des Caraïbes, pour connaître tout en long la plus longue des chaînes de montagnes de notre terre. Mais pour une première aventure à vélo, j'aurai mené à bien un joli défi : rallier la capitale des Incas, Cusco, au principal port du détroit de Magellan, Punta Arenas. Bien sûr, la route se terminant, toutes sortes d'idées folles germent dans la tête. Et si ma route accomplie n'était que la première étape d'un parcours autour du monde ? Je traverserais l'Atlantique Sud jusqu' en Afrique australe, pour remonter en Asie,...et pourquoi pas un jour débarquer à Cusco par le Nord ?

Pour l'heure, mieux vaut en rester aux "idées sages", parce qu'il y a un temps pour tout après tout.

240km de plaine m'attendent entre Puerto Natales et Punta Arenas. A moitié la steppe, à moitié une forêt clairsemée d'arbres battus et déformés par le vent -qui ne souffle pas trop en cette saison. Un mix de météo pour profiter de toutes les ambiances possibles, et me voilà déjà au bord du détroit. Au loin se dessine la petite métropole de Punta Arenas, qui vit passer tant de bateaux navigant par les océans.

Pour ma part, un peu plus d'un mois et me voilà de retour en France. Heureux qui comme Ulysse ?

Valentin, pour TintinEnamerique, bonsoir. J'espère que chacun a profité du voyage !

Et un grand merci à l'équipe de correction!

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Matinée de brouillard dans une région avec beaucoup d'élevage.

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Ca sent la fin du monde, la fin du voyage.

P1120821Morro Chico, un plateau rocheux planté en plein milieu de la plaine et visible depuis très loin.

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Une dernière steppe.

 

Commentaires

  • Mam

    1 Mam Le 06/04/2017

    Moi j'ai trouvé le guanaco boudeur...il est couché tout seul dans les prés loin au fond!
    T'as eu du bol mon baroudeur de ne pas tomber sur un garde du parc des Torres! Et ça t'a valu de magnifiques bivouacs!
    Bon ben voilà, te voilà à ton bout du monde, celui de tes rêves! Bravo pour ta constance et ta persévérance...en même temps dans de si beaux décors c'est plus facile hein?
    Dieu est GRAND et il est BON envers toi! Sois lui en reconnaissant.
    Pressée de revoir ta bouille de sud américain...et de découvrir ton compagnon de route pendant ces 6 mois!!
  • Guy

    2 Guy Le 06/04/2017

    Tiens, la platitude m'a fait penser à la Seine-et-Marne!
    Et, j'ai aperçu la montée du Ventoux à un moment ^^
    Bon dernier mois!
  • Jules

    3 Jules Le 06/04/2017

    L'impression d'être dans plusieurs continents en même temps, alors que t'es "juste" en Patagonie... Bon dernier mois de vadrouille :D

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