Patagonie, ou la banalisation du merveilleux...
La Patagonie est un territoire rêvé, fantasme, imaginé. Le moment est arrivé pour moi de passer de l'imagination à la réalité.
Prélude
La limite nord de la Patagonie, côté chilien, n'est pas clairement définie. Le village de Chaiten d'où je vous écris est souvent annoncé dans les guides touristiques comme la porte d'entrée de la Patagonie. Pourtant, les habitants le défendent : Chaiten, ce n'est pas la porte d'entrée, c'est La Patagonie. Je retiendrai la définition la plus logique, c'est à dire l'endroit où la cordillère rencontre l'océan Pacifique, et la plaine centrale du Chili disparaît en conséquence.
Ainsi, mes deux premiers jours de vélo seront comme un prologue à la Patagonie, en roulant encore dans la plaine. Débarqué en bus à Puerto Varas, une petite ville luxueuse au bord du lac, avec d'immenses chalets et hôtels. En traversant les prés verts et les forêts, je me crois rentré à la maison, quelque part dans un recoin vert des Alpes. A un hémisphère près tout de même, ici c'est le coeur de l'été, les pissenlits envahissent les champs et les vacanciers envahissent les campings et les plages. Puerto Varas est encore dans la plaine, au bord d'un grand lac aux eaux bleues profondes, le Llanquihue (vous allez vous faire plaisir avec les noms patagoniens !). De l'autre côté du lac, annonçant la cordillère, se tient la silhouette parfaite du volcan Osorno, qui domine la plaine de plus de 2500m, enveloppé par ses glaciers. Avec le ciel limpide, c'est un paradis bleu, blanc et vert, auquel il faut rajouter les fleurs qui surchargent les maisons, les forêts et les bords de route.
Je longe le lac sur toute sa longueur jusqu'au pied du volcan Osorno, où je rencontre un petit fleuve qui descend des montagnes de cascades en cascades, se frayant un passage dans un labyrinthe de basalte, à l'endroit où les roches volcaniques viennent buter contre les parois de granit de la cordillère. Je fais un petit détour le long de ce rio pour aller voir le lac Todos Los Santos, déjà au coeur des montagnes, dans un décor grandiose. Montagnes et volcans se mélangent à la perfection par ici.
Le lendemain, après une nuit à la belle étoile sur la plage du lac et une petite rando sur les pentes du volcan Osorno, je reprends le vélo pour une petite traversée dans la forêt et les montagnes qui me fait rejoindre l'extrémité du fjord de Reloncavi. Ici commence la Patagonie.
Puerto Varas, encore un choc après le désert et la ville suranimée de Valparaiso.
Mythique, le volcan Osorno qui domine le lac Llanquihue, depuis Puerto Varas. On est fin Janvier et les montagnes sont pleines de neige et glaciers dès 2000m, ou même plus bas. Le ton est donné, sachant que je ne suis encore qu'au 41e parallèle Sud, et que je devrais finir en dessous du 50e...
Retour en Europe ? Qui veut venir déraciner les pissenlits ?
Pas un mauvais endroit pour manger des mûres bien noires...
Plein été
En montant vers le lac Todos Los Santos, une apparition fantasmagorique. Le volcan Puntiagudo
Le rio Petrohue
Arrivée au lac Todos Los Santos, qui s'ouvre vers la cordillère.
Vues du lac
La plage du bivouac, et le Cerro La Picada.
En prenant de la hauteur
L'envers du volcan Osorno
Qui vote pour un Koh Lanta version Chili ?
Sur la route vers le fjord de Reloncavi, au pied du volcan Calbuco. Ce que la photo ne montre pas, ce sont les mouches, véritable bataille de chaque instant en vélo.
Au pays du Granit
Imaginez une forêt vierge, composée de bambous, de fougères et de quelques arbres caractéristiques, tel l'Alerce, emblématique de cette région impénétrable - j'en ai fait l'expérience. Les feuillus ne perdent pas leurs feuilles même en hiver tant l'humidité est surabondante : c'est la forêt Valdivienne, qui occupe ces régions côtières du Nord de la Patagonie. Dans ce contexte, il est presque impossible d'atteindre le sommet des montagnes pourtant innombrables dans cette région. Toutefois, une vallée fait exception à la règle : peu après le village de Cochamo, au bord du fjord de Reloncavi où je suis arrivé la veille, je m'embarque, sac sur le dos, pour une marche de 4h dans la forêt dense, dans un labyrinthe de boue. Heureusement que le temps est sec depuis plusieurs jours... Après une nuit dans un pré inespéré, je pars sur l'un des sentiers indiqué sur ma petite carte schématique.
Rapidement, l'itinéraire se transforme en escalade sur racines, avec des pentes à plus de 40 degrés en pleine forêt. Puis je passe au pied de grandes dalles de granit, m'apercevant par la même occasion que je suis sur le rebord d'une falaise qui plonge vers la vallée. Quelques mètres plus loin, je découvre que l'itinéraire coupe tout droit dans les dalles de granit, une petite corde facilitant l'ascension : bienvenue sur les sentiers Chiliens ! Je sors enfin au sommet des falaises et débouche sur la crête, pour découvrir un paysage fantastique : une vallée glaciaire bordée d'immenses murs de granit formant les sommets environnants. A l'Ouest, apparaît le fjord, et à l'Est les glaciers du Cerro Tronador, à la frontière Argentine.
Ayant porté la tente, je passerai la nuit au sommet, histoire de profiter au maximum des hauteurs, et des condors qui tournent à quelques dizaines de mètres seulement au-dessus des randonneurs.
Patagonie, kilomètre 0 ! Je suis à l'extrémité du fjord de Reloncavi, au niveau de l'embouchure du Rio Petrohue.
Les rios Patagoniens, et la clarté de leurs eaux.
Le village de Cochamo au bord du fjord.
Le chemin dans la vallée de Cochamo.
Parfois, une fenêtre s'ouvre sur la vallée, pour découvrir l'ampleur des falaises qui l'entourent. Ca sent le bon coup cette histoire.
Le chemin dans un labyrinthe naturel, probablement creusé par l'érosion due à la boue.
Le camping de La Junta, et les falaises qui l'entourent.
Half Dome Patagonien, le cerro La Junta.
Une randonnée comme une autre...
Et me voici enfin sorti de la forêt, au premier mirador. Ici devant le Cerro Anfiteatro.
Dalles sculptées. Cochamo, nouveau paradis de la grimpe.
Le Cerro Torrecillas, point culminant de la vallée.
Tel l'aventurier solitaire...
Un lac sans nom vu depuis le sommet de mon bivouac, le Cerro Arco Iris, probablement nommé ainsi pour son rocher aux couleurs nuancées.
Lac ou océan? Montagnes ou volcans ? Ne choisissez plus, voici la Patagonie du Nord !
Partie amont de la vallée.
Les 3500m du Cerro Tronador
Et encore le volcan Osorno
Retour à l'océan, coup d'oeil en arrière sur la vallée de Cochamo depuis l'embouchure du Rio Cochamo.
Au bord de l'océan
Je reprends le vélo le long du fjord qui est désormais dominé par les neiges du volcan Yates, composant un merveilleux décor Bleu, Blanc, Vert. Je débarque au village de Puelo qui se trouve au débouché d'une autre vallée similaire à celle de Cochamo, mais je dois me reposer un peu et partir vers d'autres horizons, il reste tant de route à parcourir avant d'atteindre le bout du monde.
En fin de compte, j'aurai longé le fjord sur une centaine de kilomètres. Comme disent les habitants, par ici, c'est "ben tranquillo, no se pasa nada".
La partie aval du fjord est très sauvage, et la route se faufile entre la forêt et l'océan. Enfin, après une courte traversée dans les terres, je rejoins un nouveau fjord, celui d'Hornopiren.
Le volcan Yates, qui domine Puelo. Son ascension doit mériter le détour.
Retour de soirée, c'est par ici...
En arrivant à Puelo.
Le rio Puelo vers son embouchure, et une vallée toute à explorer.
Mon chalet en Patagonie
La partie finale du fjord, dans une ambiance très sauvage.
Au bout du fjord, je rejoins la route que je suivrai pendant les prochains 1200 km. Point d'arrivée, le lac O'Higgins, d'où je devrai passer en Argentine.
Hornopiren, la frustration d'un explorateur
Hornopiren, un petit village au bout de son fjord. Au nord se trouve l'autre versant du volcan Yates, et à l'est un immense massif, toujours granitique si j'en crois les pierres observées dans les torrents. Une forêt de pics, d'aiguilles, de murailles et de glaciers. Les eaux des torrents, d'un bleu laiteux, trahissent les puissants glaciers qui les alimentent. Seulement voilà, aucun sentier ne pénètre à l'intérieur de ces montagnes, et la forêt très dense interdit toute aventure. Me voilà, montagnard désœuvré, réduit à me promener dans le petit port du village. L'aventure attendra... Je profite du temps enfin gris pour une promenade en forêt, l'occasion de me documenter sur la faune et la flore locale.
Une montagne dans le ciel. Qu'y a-t-il au-delà ?
Le rio Blanco, seul témoin de ce qui se trame là bas, derrière la première barrière de montagnes.
Votez pour la plus belle. Perso, mon choix est déjà fait, même si la finale a été serrée. La dernière est colorée d'un dégradé qui va du rose saumon au rose pétant, et qui aurait coupé court à d'interminables débats sur la couleur d'un certain noeud papillon...
Mam', sauras-tu les identifier ? Tu choisis lesquelles pour ta prochaine compo ?
Le fjord Hornopiren et ses eaux claires dues à l'écoulement des torrents glaciaires.
En bateau sur le Pacifique
A Hornopiren, la route s'arrête, ne pouvant se frayer un chemin à travers les pentes abruptes et les nombreuses ramifications des fjords. Nous voilà, mon vélo et moi, embarqués pour 5h de navigation sur les eaux du Pacifique. Je découvre, impuissant, l'amplitude du massif glaciaire que je laisse derrière moi. Chaque vallée découvre de nouvelles aiguilles, de nouveaux glaciers. Le bateau me débarque à l'extrémité du fjord de Comau, d'où je reprends le vélo pour 10 km, au bout desquels il me faut de nouveau embarquer pour traverser le fjord Renihue.
Après cela, une traversée de 60 km m'attend, à travers les forêts et les falaises du parc Pumalin, une réserve naturelle fondée par le créateur de la marque "The North Face".
J'arrive le lendemain à Chaiten, un village au bord du golfe du Corcovado, où nagent des baleines bleues en cette saison. En 2008, le petit volcan Chaiten recouvrit entièrement la ville de cendres, détruisant les forêts aux alentours. La population fut évacuée à temps, et aujourd'hui le village est entièrement reconstruit. Au sud de la baie se dresse le volcan Corcovado, silhouette mythique qui domine une immense zone sauvage.
L'année prochaine, selon des informations exclusives, un sentier de 60 km sera créé dans ce parc national de Corcovado, cheminant sur les hauteurs qui le bordent.
Regarder les montagnes et rester en bas... c'est dur de s'y habituer !
Le volcan Michinmahuida, au bout du fjord Comau.
Naviguant dans les fjords du Pacifique Sud.
Format portrait obligé par ici. La route qui relie les deux fjords.
Embarquement dans le fjord Renihue.
Le fjord, et au centre une montagne que je tentais de gravir, par l'arrière, ayant repéré un semblant d'éclaircissement dans la végétation. Sans succès : Forêt 1, Valentin 0.
Caleta Gonzalo
8 ans après l'éruption, la forêt tente de reprendre vie sur les pentes du volcan Chaiten.
Playa Santa Barbara, sur le golfe du Corcovado.
Le Corcovado depuis Chaiten
C'est sous ce coucher de soleil à Chaiten que je vous dis "à bientôt". Cap au Sud, toujours plus de Sud !
Commentaires
1 Lucky Le 20/02/2017
@ Tim : oui à la baie de Ha Long !
Mais PUNAIZ' que c'est beau !!!!!!!!!!!!!!!!
2 Val Le 18/02/2017
Au prochain dérapage je te bannis des commentaires ! Interdiction stricte de parler de toute chose qui se rapproche de près ou de loin à du fromage fondu, surtout si c'est associé a une quelconque pratique sur un support de type aquatique, sous catégorie solide, couleur blanche.
:p profitez de la glisse! Grosses bises from Chile!
3 Tim Le 11/02/2017
4 Clo Le 11/02/2017
C'est vrai qu'on dirait un mélange du lac léman et de la côte d'azur...
Punaise, mais c'est le continent des panneaux bizarres !
Ah ouaiiiiiiii un chalet en Patagonie, avec Luc, on se cotise !!
Hé mais en fait je réalise que la Patagonie c'est des petits joueurs avec leur 3000m de hauteur... La grosse mama des Andes Péru-Bolivienne leur met la pâtééééée !
Respect, Val, t'es un vrai warrior. À chaque fois que je te lis, je me demande comment tu fais pour bouffer, pour boire...
We love you for Switzerland ! Nous, à midi, on s'est mangé une fondue dans la neige, après des raquettes et de la luge !
5 Rachounne Le 10/02/2017
6 Tim Le 09/02/2017
Val on y retourne l'année prochaine avec la perceuse et on ouvre un dizaine de voies pour montrer à Ondra qu'il n'a qu'a bien se tenir ?
7 Mam bis Le 09/02/2017
Sinon les autres sont dans l'ordre: un fuchsia, des petits lys jaunes (feuilles typiques des lys), puis une fleur de fuchsia isolée et prise du dessus (!) et je sèche pour la dernière!! (quoique les feuilles ressemblent aussi à celles des lys...); je veux bien que tu me donne le nom mon gars!
Et puis je les veux bien toutes pour mes prochaines compo!!! Merciiiiiiiiii de me régaler les yeux par ces fleurs merveilleuses mon Val! Mais je ne pense pas qu'elles supporteront le voyage...
8 V. Le 09/02/2017
Ouais carrément, comme j'me dit "ca fait du bien quand ca s'arrete". Si encore le temps était nuageux pour cacher ces horreurs, ca passerait mieux...
9 Tim Le 09/02/2017
10 Jules Le 09/02/2017
En tout cas je suis d'accord avec toi, la Patagonie ça rend nauséeux.
Bon courage pour cette épreuve
11 Val le voyageur Le 09/02/2017
12 Tim Le 08/02/2017
13 Mam Le 08/02/2017
On se croirait au bord du lac Léman (pti clin d’œil à ma fifille en suisse!)...
Tu as de la chance d'être en été! tu vas zapper l'hiver français, veinard!
Profite bien!